Chapitre 4 : Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?

3 mai 2024
in Science économique
Terminale

 

Crise financière : Moment critique au cours duquel les cours des actifs financiers chutent brutalement sur les marchés financiers.

1. Les principales causes des crises financières

1.1 Des causes différentes selon les crises

 

a) La crise de 1929

Les années 20 sont des années de forte croissance économique, mais en 1929, la production industrielle commence à chuter. 

Les spéculateurs commencent à chercher à vendre leurs actions.

Le jeudi 24 octobre (dit “jeudi noir”) la vente des actions est si importante que leur cours a baissé de 22%= krach boursier

Krach boursier= effondrement boursier= baisse brutale des prix des actions après une vague de ventes massives. 

=> La crise de 1929 est au départ une crise boursière

b) la crise de 2008, dite « crise des subprime »

Les crédits « subprime » sont des crédits accordés aux ménages américains qui présentent des risques d’insolvabilité (= risque de ne pas pouvoir rembourser).

 Ces crédits sont accordés avec un taux d’intérêt variable et plus élevé que la moyenne. Ces crédits sont « garantis » par la valeur de leur bien immobilier : lorsqu’un ménage n’arrive plus à rembourser son crédit, la banque vend le bien immobilier.

 Ces crédits sont revendus par les banques sur les marchés financiers sous la forme de titres financiers

Titrisation=La titrisation est une opération financière qui consiste à transformer les crédits en titres financiers pour les vendre à des investisseurs financiers 

Lorsque le nombre de ménages qui n’arrivent plus à rembourser augmente, le nombre de maisons mises en vente par les banques augmentent. Du coup, le prix des biens immobiliers sur le marché baisse. La vente de ces biens ne permet plus aux banques de se rembourser sur le crédit accordé.

=>La crise de 2008 est d’abord une crise immobilière et une crise des marchés de titres financiers

Toutes les crises financières ne se transforment pas forcément en crise économique et toutes les crises économiques n’ont pas forcément comme origine une crise financière.

Crise économique = moment de retournement du cycle économique qui mène à la baisse du PIB

1.2 A l’origine des crises financières, l’existence de bulles spéculatives

L’existence de bulles spéculatives est à l’origine des crises financières de 1929 et 2008.

Il y a formation d’une bulle spéculative lorsque le prix d’un actif (action, bien immobilier, etc.) augmente en continu, de manière excessive, de telle sorte qu’il s’éloigne de sa valeur fondamentale. 

La bulle est alimentée par des comportements spéculatifs : les individus investissent dans des actifs dont ils anticipent, de façon exagérément optimiste, que les prix vont continuer d’augmenter. 

Spéculation : opération consistant à profiter (par une plus-value) de la bonne anticipation d’un prix. Le spéculateur va acheter s’il anticipe que le prix va augmenter dans le futur et revendre avant la baisse du prix

Les investisseurs sur les marchés financiers sont donc des spéculateurs. Ils travaillent pour des fonds financiers, des filiales de banques, voire des banques directement. Leur activité consiste à anticiper l’évolution future des cours, pour réaliser des plus-values. 

Si les investisseurs anticipent une hausse du cours des actions, ils vont massivement en acheter, ce qui va faire automatiquement augmenter leur cours.

Le mécanisme est le même si les investisseurs anticipent une baisse : lorsque de plus en plus de personnes croient à la baisse des cours et que de plus en plus de titres sont vendus, le marché s’emballe à la baisse. Il y a ainsi un risque d’éclatement de la bulle spéculative.

On parle alors de prophéties auto-réalisatrices : c’est parce que les agents économiques anticipent la baisse des cours qu’ils vendent leurs titres et donc que les cours baissent.

Ce phénomène est accentué par l’existence de comportements mimétiques, qui expliquent les phénomènes d’emballement à la hausse comme à la baisse : lorsque des investisseurs commencent à vendre leurs titres, les autres vont avoir tendance à faire la même chose. (Ce mécanisme est aujourd’hui plus fort à cause de l’informatisation de l’ensemble des marchés financiers.)

La baisse de la valeur des actifs financiers va avoir un impact négatif sur les agents économiques qui se sont endettés pour les acheter ou qui ont besoin de vendre ces actifs pour récupérer des liquidités. La crise financière va alors se diffuser à l’économie réelle.

1.3 La panique bancaire

a) La crise de 1929

Lors de la crise de 1929, les ménages se ruent dans les banques pour retirer leur dépôt (leur épargne). (Panique bancaire=bank run)

Or, les banques ne détiennent qu’une partie de la monnaie scripturale sous forme de monnaie fiduciaire (=les réserves obligatoires). Elles ne pourront pas servir tous les clients en liquidité.

Lorsque la rumeur se répand que les banques sont à court de liquidités, davantage de déposants vont essayer de retirer leurs dépôts dans l’espoir d’obtenir autant d’argent que possible. (=prophéties auto-réalisatrices.)

Les banques peuvent alors chercher à vendre des actifs pour obtenir plus de liquidités mais comme leur prix baisse, il y a alors des faillites bancaires en chaîne.

Faillite bancaire= la situation dans laquelle se trouve une banque lorsqu'elle ne peut plus faire face à ses dépenses et que ses dettes sont trop importantes

b) La crise de 2008

Le contexte :

Dans les années 2000, on assiste à une déréglementation du marché financier. Les banques et les fonds de pension peuvent investir et emprunter un peu comme ils le veulent : on assiste à une multiplication des innovations financières à l’échelle internationale.

Les investisseurs ne connaissent plus réellement la nature des titres qu’ils achètent.

La titrisation permet aux banques de transférer le risque de non-remboursement sur les investisseurs financiers. Et, contrairement aux banques ils ne peuvent pas se refinancer auprès de la Banque Centrale.

Or les banques ont multiplié les comportements risqués car leur objectif est d’avoir le maximum de rentabilité (mais les placements les plus rentables sont les plus risqués).

Ces comportements sont exacerbés par la certitude qu’elles ne courent aucun risque car elles pensent qu’elles seront de toutes façons secourues par les pouvoirs publics (Too big to fail). 

De plus, les banques américaines ont acquis un poids si important qu’elles font courir un risque systémique: si l’une d’elles fait faillite c’est tout le système bancaire qui est menacé.

Les banques systémiques, sachant qu’elles bénéficieront de l’aide des pouvoirs publics sont ainsi incitées à prendre encore plus de risque (risque d’aléa moral).

La crise bancaire en 2008 :

  • Plusieurs établissements financiers américains entrent en cessation de paiement, et sont sauvés in extremis par la Réserve fédérale américaine (Fed)
  • Les gouvernements et banques centrales ont réagi de manière plus ou moins concertée à un début de crise systémique, avec l'objectif à très court terme de maintenir la continuité du système de paiement et du marché interbancaire.
  • Ainsi, les banques centrales ont abaissé leurs taux directeurs et la Fed a élargi sa prise en pension de titres à des actifs risqués ;

La faillite de la banque Lehman Brothers

  • Lehman Brothers a acheté beaucoup de titres de créances adossés aux crédits subprime et subit d’importantes pertes suite à l’effondrement de ce marché. La banque se retrouve avec des dettes qu’elle ne peut plus rembourser faute de recettes.
  • Elle cherche un repreneur mais il semble qu’elle ait falsifié ses comptes grâce à des manipulations comptables: ses dettes sont bien plus importantes qu’il n’y paraît.

Il y a alors des faillites bancaires en chaîne

  • Comme beaucoup de banques ont investi dans les créances titrisées américaines, les banques ne se prêtent plus entre elles sur le marché interbancaire, de peur de ne pas être remboursées. Le marché monétaire se « grippe » et les banques manquent de liquidités
  • Dès qu’une banque ne peut plus emprunter sur le marché monétaire (par perte de confiance), cela se propage sur les autres marchés de capitaux et notamment sur les marchés financiers. Du coup, la banque ne peut plus emprunter à moyen ou long terme (par exemple en émettant des obligations): la banque peut ne plus pouvoir assumer ses coûts (paiement d’intérêts au clients,  salaires, etc.). Elle peut alors faire faillite.

2. Les principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle

Canaux de transmission : canaux par lesquels se transmettent les crises financières à l’économie réelle. 

2.1 L’effet de richesse négatif

Comment les firmes ou les banques font pour se désendetter ? Elles vendent leurs actifs à tout prix sur les marchés = vente forcée.

Vente forcée : Situation où un agent est contraint de vendre un actif, par exemple pour payer ses créanciers ou rembourser ses dettes.

Cela a pour effet d’accentuer la chute des cours sur les marchés 🡪 cela renforce la baisse des prix des actifs financiers et non financiers.

La baisse du prix du collatéral (=actif mise en gage par l’emprunteur auprès du prêteur pour couvrir un risque de non remboursement) entraîne une baisse de la valeur du patrimoine des agents économiques. 

Du coup, ils peuvent moins faire de crédits, ce qui entraîne une baisse des investissements.

Et, pour compenser cette perte de richesses, les agents économiques vont épargner davantage. 

On parle alors d’effet de richesse négatif= tendance des propriétaires d’actifs à se sentir moins riche lorsque le prix des actifs diminue

↓prix actifs=>↓crédits+↑épargne=> ↓C+I=>chute du PIB et accroissement du chômage

2.2 La baisse des crédits

Comme les banques ont des difficultés à trouver des financements, elles ont tendance à limiter leur offre de crédits aux agents économiques.

Les ménages et les entreprises, par précaution devant l’incertitude, préfèrent aussi limiter leur demande de crédits ce qui va limiter leur consommation et leur investissement.

Conclusion

La baisse des crédits accordés et la hausse de l’épargne entraîne une baisse de la consommation et de l’investissement qui va impacter fortement la production: il y a une chute du PIB qui va durer (la crise devient une récession) jusqu’à ce que les agents fassent des anticipations plus optimistes.

La baisse de la production et les faillites d’entreprises réduisent les besoins en main d’œuvre et font augmenter le chômage.

3. Les principaux instruments de régulation du système bancaire et financier 

Ces instruments ont pour objectif de surveiller les banques systémiques et de réduire le risque d’aléa moral.

 Le risque d’aléa moral est une situation où, lorsqu’il y a une asymétrie d’information entre deux agents, l’un d’eux peut se comporter de manière contraire à l’intérêt collectif.

3.1 Le ratio de solvabilité

Une des explications de la crise de 2008 est que les banques, même les plus grosses, se sont révélées « fragiles », c’est-à-dire que leurs fonds propres ont été insuffisants pour couvrir les risques financiers qu’elles avaient pris.

Fonds propres= ressources d’une banque constituées de son autofinancement ou des apports en capital

Les accords de Bâle fixent donc un ratio de solvabilité minimal que doivent avoir les banques.

Ratio de solvabilité= rapport entre les fonds propres et le niveau des crédits et autres placements financiers des banques

Ce ratio tient compte du degré de risque des actifs et il est plus élevé pour les banques systémiques.

3.2 La supervision des banques par la Banque Centrale

Au sein de la zone euro, la supervision des banques est assurée par la BCE.

C’est elle qui vérifie la solvabilité des banques, et en particulier surveille les banques systémiques.

Les banques qui ne respectent pas les règles imposées par la BCE s’exposent à des sanctions.

Le « mécanisme de surveillance unique » permet à la BCE de limiter les risques de faillite bancaire et ainsi de renforcer la solidité et la stabilité financière européenne.

Ce mécanisme lui permet :

-d’effectuer des examens prudentiels, des inspections sur place et des enquêtes ;

-d’accorder ou de retirer leur agrément aux banques ;

-d’évaluer les acquisitions et les cessions 

-de garantir le respect des règles prudentielles européennes ;

-de fixer des exigences (ou « coussins ») de fonds propres plus strictes pour contrecarrer tout risque financier.

3.3 Les stress-tests

Ces tests sont réalisés régulièrement pas l’Autorité Bancaire Européenne.

Les stress-tests consistent à faire un exercice de simulation dans lequel les banques sont confrontées à un scénario catastrophe (baisse du PIB, hausse du chômage, baisse du prix des actifs,..) et de voir si elles résistent, c’est-à-dire si leurs réserves (leurs fonds propres) sont suffisantes pour résister à une crise.